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0233 la lame de savon

La nature nous offre toutes sortes de surfaces d'équilibre, des courbes funiculaires, des surfaces minimales. La surface d'équilibre d'une lame de savon tendue dans un fil de fer est telle que chaque point se place en position moyenne par rapport à ses voisins ; pour commencer imaginons un maillage "discret" - non continu - se projetant sur un carré (x,y) et écrivons que l'altitude z(i,j) de chaque point est égale à la moyenne arithmétique des altitudes des points en croix :

z[i,j] = ( z[i-1,j] + z[i+1,j] + z[i,j-1] + z[i,j+1] ) / 4

ce qui s'écrit aussi :

z[i-1,j] + z[i+1,j] + z[i,j-1] + z[i,j+1] - 4.z[i,j] = 0

ou bien

( z[i-1,j] - 2.z[i,j]+ z[i+1,j] ) + ( z[i,j-1] - 2.z[i,j]+ z[i,j+1] ) = 0

expression dans laquelle on reconnaît la somme de deux différences finies du second ordre qui amène, quand on passe à un maillage continu, à une équation aux dérivées partielles connue sous le nom d'équation de Laplace :

∆( z ) = ∂2z/∂x2 + ∂2z/∂y2 = 0

Cette équation étonnamment simple (ne pas oublier la forme discrète qui n'est rien d'autre qu'une moyenne arithmétique) est fondamentale en physique mathématique, elle est présente dans l'étude de nombreux phénomènes complexes, de l'électro-magnétisme à l'élasticité. On peut se demander comment une expression aussi simple peut décrire des formes aussi complexes que celles que peut prendre une lame de savon tendue sur un contour quelconque fermé. Alan Turing, mathématicien et logicien anglais considéré comme l'un des pères de l'informatique et de l'intelligence artificielle avait, paraît-il, l'habitude de dire « la Science produit les équations différentielles, la Religion produit les conditions aux limites ». Pourquoi pas ? C'est là peut-être la raison qui fait que l'équation de Laplace, étudiée par des générations de mathématiciens n'a pas trouvé de solution dans le cas général, tout au moins exprimable de façon simple sous forme implicite ou paramétrique. En tous cas, ceci nous éloigne bien des outils qui nous seraient bien utiles dans la recherche de relations entre les coniques et les géodésiques d'une surface minimale, pour prendre un exemple qui sera abordé un peu plus loin !

Remarque : ouvrez un tableur acceptant le calcul itératif et capable d'afficher des surfaces (Excel est bien adpaté, OpenOffice.Calc pas vraiment à ce jour, Résolve aujourd'hui oublié était excellent) ; entrez la première formule dans un tableau de disons 20x20 cellules ; il y a donc 400 formules qui affichent la valeur zéro. Dans les cellules en périphérie, remplacez les formules par la valeur zéro, puis quelque part vers le centre gauche entrez la valeur +1 et vers le centre droit la valeur -1. Affichez le graphe correspondant en choisissant le type "surface" et constatez : une belle surface minimale tendue sur un cadre rectangulaire horizontal, tirée vers le haut à gauche et vers le bas à droite. En complexifiant les « conditions aux limites » et avec un peu d'imagination, vous devriez pouvoir recréer le Temple de la Sagrada Famillia ;-).
Alan Turing avait bien raison !