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introduction

Construisez quatre triangles équilatéraux à l'aide de six allumettes. Telle est la question rappelée par Bernard Werber dans son premier livre sur les fourmis, assortie de l'énigmatique recommandation : "Pensez différemment !", clé de la solution. En pensant différemment, les Grecs inventèrent la Théorie des Coniques, rassemblant en un tout cohérent des courbes aussi diverses que le cercle, l'ellipse, la parabole et l'hyperbole, et aussi la droite et le point. Bien plus tard, les mathématiciens inventèrent le corps des nombres complexes "afin" qu'une équation de degré N possède "toujours" N solutions. Le chimiste Mendeleev imagina une belle classification pour les éléments primaires apparemment si différents constituant l'univers connu, et au-delà, un formidable outil pour la découverte de nouveaux éléments. En écrivant les formules de la mécanique et de l'électrodynamique dans un espace quadridimensionnel, Einstein réussit non seulement à en unifier les concepts fondamentaux, mais encore à créer les conditions de nouvelles découvertes, dont la célèbre formule E = m.c2 est la plus connue. Cas illustres ...

Une question complexe posée dans notre espace courant, à trois dimensions et bien réel, se reformule souvent plus simplement lorsqu'on on imagine "pour un temps" un espace un peu plus complexe dans lequel on la transpose. C'est une façon de diviser la difficulté pour mieux la vaincre. Par exemple, l'étude de la stabilité d'un voile courbe mince devient plus facile quand le problème est posé dans la géométrie courbe de ce voile et non dans l'espace euclidien orthogonal qui l'entoure.

Mais à elle seule la géométrie des courbes et des surfaces gauches fournit un exemple de problème complexe, difficile à modéliser, à représenter et à visualiser. Les mathématiciens des siècles derniers l'ont bien balisée de belles formules différentielles mais celles–ci restent le plus souvent hors du champ d'application d'une géométrie "descriptive" autorisant le dessin à l'aide d'outils simples comme la règle et le compas ou le simple dessin à main levée. Au-delà des formes élémentaires de la géométrie classique, les droites, les cercles, les plans, les sphères, etc…, il faut avouer qu'il n'y a rien de facilement manipulable sans le secours des outils informatiques.

Dans ses applications à l'infographie et à la CAO, l'informatique a mis à notre disposition une modélisation opérationnelle des formes géométriques classiques, et a également mis en lumière une nouvelle famille de formes gauches très pratiques à manipuler sur l'écran (Béziers, Splines, Nurbs, carreaux de Coons,..). Mais, du fait de l'orientation opérationnelle des outils informatiques développés, ces formes échappent à toute appréhension directe et a fortiori manuelle, les algorithmes développés dans une littérature imposante et parfois indigeste restant complexes ou tout simplement cachés au fond des boites noires logicielles. A ma connaissance, aucune approche unitaire accessible au commun des mortels ne s'est réellement dégagée qui donne un meilleur éclairage à ces formes et qui crée les conditions d'en découvrir de nouvelles. C'est l'objectif de cet essai sur les formes gauches.

De Casteljau a proposé en 1959 un algorithme qui porte son nom, un algorithme récursif fondamental et étonnamment simple, une construction géométrique très intuitive menant à une puissante théorie, un type d'algorithme basé sur une approche « gestuelle» qui paraît décalée, vieillotte, et à coté duquel on peut passer de nombreuses fois sans jamais n'y voir qu'un simple croquis destiné à accompagner les formules algébriques, analytiques et matricielles qui peuplent la littérature sur le sujet. Un simple croquis quasi ésotérique relevant de l'art du trait des constructeurs du Moyen-Age ...

Le présent essai lui donne une place centrale et en fait une application systématique à l'aide d'une poignée d'opérateurs géométriques élémentaires ; il apporte quelques éléments à une géométrie descriptive de formes dites « pascaliennes», établissant un pont entre les formes classiques de la géométrie et les nouvelles formes mises en lumière par l'informatique, en définissant des formes dont les règles autorisent au final le dessin à main levée, avec un bout de corde comme unique guide… Sont ainsi reconstruites les formes connues sous le nom de courbes et surfaces de Bézier, par la simple utilisation d'opérateurs géométriques initialement appliqués à un couple de points de l'espace puis à un nombre quelconque de ces formes.

Cette approche unitaire, intuitive et basée sur une formulation analytique réduite au minimum, permet d'aborder sans grande difficulté le cas des formes immergées dans d'autres formes gauches, et d'en déduire aisément des formes plus complexes comme les Splines, les Nurbs (dont les coniques sont un cas particulier d'une grande importance), les tubages, les carreaux de Coons, etc..., le tout à l'aide d'opérateurs de projection, de concaténation et de simples combinaisons linéaires.

L'ensemble des formes «pascaliennes», ou « pFormes», muni de ces opérateurs constitue ainsi une géométrie descriptive, un outil apportant une aide à la compréhension directe et « manuelle » de formes dont l'expression analytique peut parfois être très complexe, un outil pouvant accompagner l'exploration de formes inédites jusque dans des dimensions supérieures.

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