alain marty :: CA_2007

ENSAM : CA 2007

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Les élections d'un C.A. donnent l'occasion à chacun de faire le point. Pour ma part j'aimerais à nouveau exposer quelques idées susceptibles d'apporter des améliorations au fonctionnement de l'école, dans le respect et le prolongement de ce qui a été déjà entrepris. J'aborderai les points suivants :

  1. La communication interne à l'école
  2. Le « projet » et les « savoirs »
  3. HMONP
  4. micro-architecture ?
  5. NTIC

1 La communication interne à l'école

« L'information ne vaut que si elle est partagée. »

Le site web de l'école est un outil « officiel » de communication et ce caractère officiel exige une gestion stricte des informations qui a pour effet inévitable d'alourdir et de ralentir son évolution. Ce qui n'est pas un gros problème pour la communication « externe » le devient pour la communication « interne ». Il s'avère que les informations accessibles sur le site ne donnent pas accès au contenu des enseignements, à leurs attendus, à leur fonctionnement, aux résultats, et il est difficile de se faire une idée de la cohérence et de la progressivité des enseignements, d'apporter une appréciation, de corriger tel ou tel disfonctionnement, de proposer des améliorations... On reste sur sa faim !

J'ai pris l'initiative personnelle de construire et de tester un site parallèle, une « ferme wiki », un site laboratoire ouvert permettant à chacun, qu'il soit étudiant, enseignant ou administratif, d'exposer librement son intervention à l'école, et à tous d'en prendre connaissance. J'ai bien sûr appliqué ces « bonnes idées » à la pédagogie des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication) dont j'assure la responsabilité dans cette école, ainsi qu'à la gestion d'un atelier d'architecture. Dans cet esprit on pourrait par exemple férérer les moniteurs d'atelier de projets pour alimenter la ferme wiki et resserer les liens entre étudiants et enseignants. Le site fonctionne depuis Janvier 2006 et ne demande qu'à croître et s'enrichir de toutes les expériences (http://ensam.wiki.free.fr/). Je vous propose d'y participer.

2 Le "projet" et "les savoirs"

« Les langages modélisent nos pensées et déterminent ce à quoi nous pouvons penser. »

Une école d'architecture forme de futurs architectes et l'enseignement du "projet" en atelier est évidemment un moment essentiel de la formation. Le moment où l'étudiant est confronté dans leur globalité aux problématiques de l'aménagement de l'espace qu'il aura à distinguer, à analyser et à résoudre dans une proposition architecturale synthétique et personnelle. Si les créations architecturales des maîtres passés et présents sont évidemment des clés pour ce travail de synthèse, il en est d'autres à ne pas négliger. Il y a celles qui nous viennent des autres intervenants à l'aménagement de l'espace, les maîtres d'ouvrages, les B.E.T. et les constructeurs, avec leurs propres problématiques à connaître et à intégrer dans le travail d'analyse et de synthèse. Et il y a aussi tout ce qui touche aux « savoirs » en général, avec pour chacun un langage propre qui échappe par nature à l'enseignement du projet. C'était l'un des enjeux de la réforme LMD que de donner un cadre commun pour « tout » l'enseignement supérieur, un niveau d'exigence qui permettrait les passerelles et surtout mettrait les études d'architecture au rang des formations supérieures... Donner la place qui lui revient à l'enseignement des « savoirs » est bien ce qui est affirmé dans le programme de l'école mais la réalité est assez différente et je ne mentionnerai que les points suivants :

  1. Le programme d'enseignement à l'école est basé sur trois départements (architecture et patrimoine, architecture et territoire, architecture et cultures techniques) dont la problématique essentielle est le projet ; cet enseignement est entièrement contrôlé par des enseignants de projet qui privilégient tout naturellement le projet. En revanche il n'y a pas de département « savoirs » ayant sa propre autonomie et force est de constater que cela lui enlève de fait toute lisibilité ;
  2. le PFE est le point d'orgue de l'enseignement du « projet » sur les thèmes définis par les départements. Il n'y a rien de tel pour l'enseignement des « savoirs », et en l'absence d'un troisième cycle hypothétique axé sur la recherche rien ne semble pouvoir valoriser un tel enseignement qui reste relégué aux annexes;
  3. l'enseignement du projet se fait en atelier, par petits groupes avec un résultat immédiat visible à la clé, valorisant l'étudiant et lui donnant une forte motivation ; par sa nature même l'enseignement des savoirs, théoriques ou pas, se fait sur des sujets sans lien immédiat avec le projet et sans résultat visible. Sans relais côté projet il ne reste rien qui soit de nature à motiver les étudiants peu attirés par une culture dont ils ne comprennent pas toujours l'intérêt ;
  4. et si ce n'était pas suffisant pour les démotiver encore, il n'y a pas de session de rattrapage pour le projet au contraire des savoirs, et cela change vraiment tout pour des étudiants qui sont en situation de « charrette » permanente. Les mauvais s'en régalent, les bons en pâtissent... !

Un enseignement du projet valorisé, c'est très bien, mais est-on condamné à voir l'enseignement des savoirs trop souvent relégué aux annexes, quand il n'est pas ouvertement dénigré ? Il est urgent de partager nos expériences et de respecter un peu plus les différences, afin que les étudiants soient mieux à même d'équilibrer leurs efforts entre la nécessaire et dure acquisition des langages portant les « savoirs » et le rendu libératoire de leurs « projets » !

3 HMONP

« Sous les images les mots. »

Les étudiants ayant terminé leur cursus de cinq années avec leur diplôme d'état en poche doivent maintenant suivre une formation professionnalisante afin d'acquérir une HMONP (habilitation à la maîtrise d'oeuvre en nom propre) avant de pouvoir exercer. Au moins six mois de stage encadré dans un contexte professionnel et 150 heures d'enseignement sur le sujet. Cette étape obligatoire révèle au grand jour ce qui était connu de tous, y compris des étudiants, à savoir :

  1. de grandes faiblesses en ce qui concerne le dessin technique précis, qu'il soit manuel ou numérique,
  2. la carence quasi-totale en matière de description écrite des ouvrages et des taches (DQE),
  3. et la méconnaissance absolue de tout ce qui concerne la gestion du projet au delà du niveau dossier de permis de construire.

Depuis longtemps et même si c'est peu connu, les enseignants en « informatique » jouent sur l'attirance des étudiants pour les nouveaux outils numériques pour introduire le plus tôt possible une réflexion sur ces trois points. Ce n'est pas tel ou tel logiciel de dessin 2D ou 3D qui est enseigné mais des méthodes d'architecte pour produire un dessin précis et exploitable au delà de l'image ; ce n'est pas telle ou telle suite bureautique qui est enseignée mais un système de description globale qui accompagne la conception de l'esquisse au D.O.E. ; ce n'est pas "l'informatique" qui est enseignée mais bien des attitudes et des méthodes d'architecte transposées sur les nouveaux outils informatiques.

Cette approche bien éloignée de ce qu'attendent les étudiants d'un tel enseignement - à savoir apprendre à maîtriser les tableaux de bord de Photoshop, d'Autocad, de PowerPoint, ... - pourrait porter davantage ses fruits si elle était relayée hors des salles informatiques dans une préparation à la formation HMONP au moins dès le début du cycle master. Cela aurait peut-être pour effet de montrer à certains que la conception en architecture ne s'arrête pas là où les divers BET entrent en jeu, c'est à dire de plus en plus tôt, laissant trop souvent l'architecte dans le rôle de faiseur d'images...

4 micro-architecture ?

« Less is more. »

A propos de HMONP et de professionnalisation, il existe un marché extrêmement important dont (se?) sont exclus pour diverses raisons nombre d'architectes : le marché de l'habitation individuelle au coup par coup, en neuf ou en rénovation, modeste ou de luxe. Jugé parfois indigne des grandes problématiques de l'architecture, ce type de marché exige en fait une approche à laquelle les architectes ne sont pas toujours bien préparés.

Pour être efficace, cette approche exige en effet des méthodes adaptées, des outils précis et des réponses rapides, mises en oeuvres par des architectes capables de produire « en totalité » des documents (graphiques et écrits, plans et DQE) complets, sans redondance et sans discontinuité de l'esquisse au DOE. Dans ce type de marché les structures classiques de dossiers applicables à toutes les phases et à tous les types d'opérations deviennent extrêmement lourdes et de fait inapplicables.

Heureusement il en est d'autres, des architectes et des économistes y ont travaillé (Vauban, le SAR, le Gamsau, l'UNTEC, ...) et on peut s'en inspirer. C'est ce que j'ai fait dans mon domaine d'intervention, et j'ai pu adapter, clarifier, optimiser, formaliser et expérimenter des méthodes pour répondre aux réalités de ce marché. J'ai beaucoup à partager aussi, et depuis 1989, je reste encore dans l'espoir que ce que l'on pourrait appeler « la micro-architecture » puisse trouver sa place dans une école qui a vocation à enseigner l'architecture dans toutes ses pratiques. Cela pourrait répondre aux besoins de jeunes architectes et peut-être aussi aux moins jeunes qui redoutent ce marché jugé peu rentable sinon indigne ...

5 NTIC

« Quand le sage montre la Lune, l'imbécile regarde le doigt. »

Puisque l'enseignement des NTIC ce n'est pas de « l'informatique », mais du dessin et de la bureautique, alors pourquoi ne pas l'intégrer dans les ateliers, comme simple outil parmi d'autres ?

Tout d'abord parce que les NTIC sont aussi et bien au-delà un formidable outil de partage de l'information, et c'est tout un monde complexe dont la maîtrise impose un approche qui a sa propre logique, sa propre progression. Ensuite parce que les NTIC sont aussi un formidable outil de connaissance et de création, et il se cache dans le « monde numérique » des mots et des concepts qui valent le détour et l'investissement ; encore faut-il regarder au-delà de l'écran... Les étudiants le sentent bien, qui explorent fébrilement les NTIC dans toutes les directions ! A nous de les accompagner dans l'espoir que toutes leurs expériences ne s'enlisent pas dans un bricolage technologique superficiel - où vingt siècles de culture architecturale seraient oubliés au profit d'une poignée d'outils numériques soi-disant miraculeux - et constituent au contraire les bases d'une véritable culture des technologies nouvelles de l'information et de la communication, culture nourrie des problématiques fondamentales du monde de l'architecture. Un virage qu'il vaut mieux ne pas rater !

UN PROJET

  1. Améliorer la communication interne en créant une communauté pédagogique, collaborative et active,
  2. respecter l'un des enjeux de la réforme LMD qui était de donner un cadre commun pour « tout » l'enseignement supérieur, en donnant la place qui leur revient aux enseignements des savoirs,
  3. respecter le décret sur la HMNOP, qui stipule clairement que les étudiants doivent avoir acquis les bases de la maîtrise d'oeuvre « avant » l'obtention de leur diplôme à bac+5,
  4. investir la problématique de la maison individuelle, véritable laboratoire en termes de distribution, de thermique passive, de qualité environnementale, de dignité...
  5. intégrer les NTIC dans la réflexion pédagogique afin d'en faire un véritable outil de transmission de la culture architecturale, ... au même titre que le papier, le crayon et la main de l'architecte !

Ce sont là des actions auxquelles je veux activement participer et qui m'amènent à me présenter aux élections du futur CA !

Alain Marty architecte, le 17 Janvier 2007

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