Lotissement Communal "CAMPS DE SANT MARTI",
à Amélie les Bains / Palalda,
Concours d'Architecture organisé par le CAUE des PO en Février 1987,
avec la participation de la MIQCP
L'animation créée autour du thermalisme entretient sur la commune d'Amélie les Bains-Palalda une activité économique qui explique sans doute la demande en terrains à bâtir qu'enregistre actuellement la municipalité. Pour y faire face et afin d'en maitriser les effets, celle-ci a décidé la réalisation d'un lotissement communal qu'elle voudrait exemplaire.
La station thermale d'Amélie Les Bains est installée au bord du Tech. Le vieux village de Palalda est visible durant toute la traversée d'Amélie par la départementale. Caractéristique des villages catalans, sa silhouette de maisons serrées se découpe sur le flanc de la montagne qui lui sert de fond. Le terrain proposé, d'un hectare environ, se situe en partie haute du village, qu'il prolonge. Son importance visuelle est certaine et son impact sur la silhouette du village demande une grande attention. Par ailleurs, le site est inscrit. Tout comme le village qu'il prolonge, le terrain est escarpé et présente une forte déclivité (+20 m de dénivelé sur 100 m). Son ensoleillement est très favorable, et il est très boisé (cerisaie dans les parties exploitables, taillis et micocouliers dans les parties les plus escarpées).
Le lotissement peut, par son traitement et selon le contexte, prendre un caractère urbain très prononcé ou chercher au contraire à renforcer l'impression de ruralité et de nature par la dominance de la végétation (sous ses multiples aspects). Le souci de concilier ces exigences conduit souvent à des solutions réunissant le double défaut d'une nature peu présente (dans le traitement des espaces extérieurs, publics et privés, par la densité élevée des constructions), et d'un caractère urbain peu affirmé (retrait trop systématique des façades sur rue, caractère "flottant" et indéfini de l'espace public...).
Dans bien des régions, chaque fois que cela correspondait au mode de vie local, les villages anciens ont bien davantage réussi à préserver en leur sein des espaces libres privés importants sans porter atteinte au caractère urbain de l'ensemble. Ces espaces libres (cours, terrasses, jardins d'agrément et jardins utilitaires) y sont généralement nettement démarqués de l'espace public (en fond de parcelle, regroupés au centre des ilots, séparés par des clotûres hautes, etc...) Les espaces publics (places, rues,...) y sont clairement lisibles parce que définis et identifiables par la continuité des façades du bâti qui en déterminent la forme, par la ponctuation des monuments et le jeu des contrastes. Cours et jardins peuvent se trouver sur rue, ils viennent alors en contrepoint des façades avoisinantes et, dans ce cas, c'est la clôture qui devient l'objet d'un traitement urbain soigné. De telles dispositions nécessitent bien sûr une maîtrise des volumes et des gabarits, ainsi, ainsi que des vis à vis, des vues et des ensoleillements.
Ainsi, l'exigence légitime d'offrir des espaces extérieurs privés aménageables ne nous paraît pas incompatible avec la mise en valeur du caractère urbain assurant la continuité avec le vieux centre de palalda. Cette évocation n'a pas pour but de proposer des modèles transposables tels quels (les modes de vie ont aussi changé). Mais de mettre l'accent sur la recherche de solutions insuffisamment exploitées aujourd'hui. Si l'on s'acorde à trouver encore aujourd'hui une actualité du modèle traditionnel, on a trop tendance à l'assimiler à certains de ses signes, souvent les plus anecdotiques (tels que la fenêtre à petits carreaux, les gênoises, les chutes d'eau pluviale en céramique, etc..), en laissant résolument de côté ses traits typologiques les plus marquants (articulation rue-maison-jardin, occupation du parcellaire, volume et échelle des constructions, etc...) sans lesquels le modèle traditionnel ne signifie plus rien. Le lotissement, en ce sens, est un renversement de l'ordre des principes : au lieu d'adapter les constructions au contexte défini par la forme urbaine, on découpe le terrain en fonction d'une occupation rigide et typifiée de pavillons. Le lotissement devrait être tout le contraire d'un parcage à maisons-types. Quelle forme doit-il en découler et quelle démarche vis à vis de certians acquéreurs pouvant être surpris par un cahier des charges différent ?
La desserte des terrains escarpés accentue, par l'effet déblai-remblai de la voirie, la pente entre la voirie et les terrains d'implantation. Les modèles courants des pavillons sont rarement adaptables à ces fortes déclivités: la compensation se fait par des mouvements de terrains (plateformes surélevées, taupinières, pilotis,...), notamment pour l'accès des véhicules aux garages, si ceux-ci ne peuvent être en bordure de rue (lorsque la dimension des parcelles le permet, il faut alors dérouler des lacets dans le terrain pour acceder de l'un à l'autre). Lorsque la densité augmente, la dimension des parcelles diminue et ces adaptations ne sont plus possibles.
La construction en bordure de voie, au moins partielle, est une des solutions. C'est aussi un cas de figure habituel dans les villages anciens. On le trouve conjugé, dans les villages de montagne, avec les murs de soutenement. Une autre difficulté est soulevée, à la différence avec le groupement d'habitation, par le caractère aléatoire dans le temps comme dans l'espace des mises en chantier sur chaque parcelle. Les plans et réglements doivent prévoir la maîtrise des hauteurs d'assise et des mouvements de terrains pour éviter les difficultés d'adaptation sur les parcelles voisines.
Laisser, lors de l'aménagement, les pentes naturelles renvoie les travaux de terrassement aux initiatives privées. Le terrain offre déjà une structure en plateaux tenus par des talus et des soutènements. Ne peut-on pas imaginer des travaux d'infrastructure prédisposant les implantations futures, facilitant la détermination des hauteurs d'assise ? Les solutions proposées pourraient s'acheminer vers un surcoût de la charge infrastructure, mais qu'en est-il au niveau de l'économie globale du projet ? Comment répartir la part publique et la part privée ? L'implantation des constructions en lieu et place des déblais et remblais provoque un surcoût (dans certains cas, les soutènements peuvent être remplacés par des pieus), mais économise doublement le terrain; en supprimant l'emprise grévante des déblais et remblais, mais aussi parce que la partie libre des terrains n'est plus pénalisée par des difficultés d'adaptation ou de desserte. Si dans d'autres cas, l'infrastructure simplifie, par la création de plateformes, les travaux d'adaptation propres aux parcelles (au terrain mais aussi dus aux travaux des voisins), le gain sur la plan urbanistique peut ne pas avoir de contrepartie sur le bilan global de l'opération.
C.A.U.E. DES P.O. Septembre 1986
( extrait de la notice explicative du concours )
Un lotissement, c'est du bitume et des tuyaux; c'est aussi des gabarits et des règles architecturales.
Alain Marty architecte le 22/02/1987
INNOVATION, CHANTIERS LIBRES, DEREGLEMENTATION, ces trois concepts ont constamment accompagné l'étude du lotissement communal "Camps de Sant Marti" à AMELIE LES BAINS PALALDA, jusqu'au stade actuel de l'étude (APS). Et pourtant, dans la mesure bien sur où il est possible de se prononcer à ce stade de l'étude (le dossier est en cours de mise au point et d'instruction), ce lotissement présente les caractéristiques générales d'un projet conçu dans le respect des réglementations en vigueur, réalisable suivant des techniques traditionnelles dans un cadre économique classique, et enfin, semble de nature à engendrer un ensemble pouvant être géré et vécu sans surprise. Où est donc l'innovation, où sont les entorses aux règlements, où réside la difficulté technique ou économique ?
Peut être tout simplement dans les conditions nouvelles qui ont entouré l'étude, des conditions qui ont été acceptées par tous les intervenants, et parce que tout simplement :
Conditions nécessaires et peut-être suffisantes !
Pour un concepteur, innover, se libérer des règlements ou construire en dehors des techniques éprouvées, ne réside pas nécessairement dans la recherche de l'innovation par désir d'originalité, dans le refus des règlements par esprit de contradiction, et dans les prouesses technologiques pour la beauté du geste, mais certainement davantage, tout en restant dans le cadre d'une utilisation apparemment banale d'un répertoire architectural et technique éprouvé, dans la recherche d'un état d'éveil mettant en situation de percevoir, accepter et exploiter toute solution, qu'elle se trouve ou non hors du répertoire classique, qu'elle soit ou non en désaccord avec la lettre du règlement, ou qu'elle s'accompagne ou non de difficultés de représentation et de réalisation.
C'est peut être cet état d'éveil qu'il est souhaitable de ne pas voir contrarié "a priori et sans appel" par les autres intervenants et tout particulièrement par les différents représentants de l'autorité, chargés d'établir, d'appliquer et de faire respecter les règlements ! Trois conditions peuvent être énoncées :
On comprend sans peine que ce n'est pas chose simple, et que trop souvent, faute d'une connaissance suffisante des textes, faute de disposer de volonté ou de pouvoirs d'application, faute d'accepter d'assumer ses responsabilités, certaines habitudes aient été prises de surenchérir de façon restrictive et souvent injustifiée dans l'application des vides de la réglementation ! Cette situation est vécue en raccourci par le rédacteur même du règlement d'un lotissement et les tentations sont grandes de rechercher la solution de l'article 11 (par exemple) dans un généreux "laisser faire" libérateur mais dangereux, ou dans un ensemble de contraintes étriquées ne pouvant engendrer que de la banalité sans surprise.
L'expérience montre que, dans un contexte traditionel, toute autre solution posant problème, sera purement et simplement éliminée ! Dans le cas présent, la rédaction de l'article 11 a suivi trois étapes :
Celà suppose que, le constructeur ayant été averti de manière explicite, aucune considération sociale, économique ou autre ne peut être opposée à la décision de rejetter un projet pour raison de pollution architecturale. Juste prix de la liberté! Condition indispensable d'un lotissement ouvert à l'innovation !
Dans ce même esprit, l'obligation de réserver deux places de stationnement ouvert pour chaque lot et la fermeté sur l'application de cette règle rend vivable un resserrement de la voirie proche du caractère urbain de Palalda. L'importance des hauteurs autorisées, mais aussi l'obligation de respecter une hauteur minimum (9 mètres), la grande profondeur constructible, les murs de séparation de grande hauteur, les possibilités de construction à patio, les encorbellements sur la rue, etc... sont autant de conditions de nature à libérer les possibilités (et aussi les erreurs) d'aménagement mais qui supposent une grande fermeté dans l'attitude de l'autorité instruisant les dossiers.
On peut dire en conclusion, que bien avant de libéraliser la réglementation, c'est l'attitude même devant les règlements qu'il conviendrait de liberer; la première des règles de déréglementation pourrait même être la suivante :
Une bonne application de cette règle serait sans aucun doute un facteur susceptible de favoriser :
Alain Marty Architecte, le 24/09/87
Le concours a été gagné (merci au CAUE et à la MIQCP), le maire (Mme Jacqueline Alduy) a porté un projet auquel elle avait adhéré, le lotissement a été construit (voiries, réseaux, génie civil, chantier difficile,...). Puis tout s'est arrêté, la commercialisation n'a pas suivi (produit hors norme), une seule parcelle a été vendue, une horreur a été construite sur cette parcelle située en plein milieu de la composition, le temps a passé, les artisans du coin ont convaincu la commune de revenir à une solution plus raisonnable : des parcelles 4 faces pour retraités à 4x4 !!! Je n'ai pas accepté de remanier le projet. La dernière fois que j'ai eu l'occasion de passer devant le terrain, j'ai éprouvé une grande tristesse :( :(.